Prospecter des minéraux
Les mines ayant toutes fermé les unes après les autres sur notre territoire, beaucoup de collectionneurs estiment qu’il n’est plus guère possible de découvrir de beaux spécimens minéralogiques dans la nature.
En vérité, il se découvre des nouveautés chaque année. Chacun sait que les haldes d’anciennes mines fournissent parfois de belles surprises, notamment pour les micromonteurs. Mais les déblais de grattages de prospection, moins connus, peu visités, voire oubliés se révèlent parfois plus intéressants que les haldes.
En montagne, l’érosion et les éboulements mettent à jour de nouveaux minéraux. La fonte de glaciers découvre des fentes alpines inexplorées. Le déracinement d’arbres après une tempête libère cristaux ou fossiles. Les alluvions prospectées pour l’or ou le saphir reconstituent leurs placers. Les labours font ressortir des cristaux. Il existe aussi un certain nombre de sites minéralogiques enclavés que seuls quelques initiés connaissent. Ils n’en sont pas moins accessibles et ouverts à celui qui fera l’effort de les retrouver.
D’une manière générale on trouve beaucoup plus de minéraux intéressants dans les massifs montagneux, qu’ils soient anciens ou récents. Les terrains y ont subi des contraintes tectoniques et une forte érosion, ce qui permet de voir affleurer des roches et des minéraux formés dans les contextes géologiques très divers. En France, tous les massifs montagneux ont livré d’excellents spécimens minéralogiques : Alpes, Ardennes, Massif armoricain, Massif central, Pyrénées, Vosges et même le Jura bien que sédimentaire.
La collecte d’échantillons demande aujourd’hui beaucoup plus d’efforts qu’auparavant. Les dernières mines qui n’ont pas encore été comblées, noyées ou bouchées risquent de l’être dans les prochaines années. De belles découvertes restent néanmoins possibles. Les quelques conseils qui suivent augmenteront vos chances.
Comment connaître les sites de prospection déjà connus ?
Naturellement, il est possible de s’informer sur les gîtes minéralogiques connus à travers les nombreuses publications anciennes ou récentes, des thèses, des revues de minéralogie… Bibliographie, Internet et vues aériennes sont les point de départ de toute prospection. Diverses archives ou revues fournissent des informations plus ou moins précises sur les exploitations antiques, médiévales ou modernes. Le site infoterre est une remarquable source d’informations pour le prospecteur. Plus nous en savons sur les minéraux et leurs gisements, plus nous augmentons nos chances de récolter quelques spécimens ou de découvrir de nouveaux gîtes. Cependant, il ne faut guère espérer récolter soi-même des minéraux sur les illustres gisements du territoire français. Ces gîtes ont pour la plupart été réhabilités ou fouillés mainte fois par des collectionneurs.
Si vous voulez vous faire guider sur les sites déjà connus, vous pouvez vous inscrire dans un club de minéralogie, de paléontologie ou d’orpaillage. Ces associations connaissent déjà les sites classiques dans lesquels il est possible de récolter des minéraux. Elles disposent d’une assurance et d’un code de conduite (plus ou moins bien respecté…). Certains carriers les autorisent plus facilement à pénétrer sur leurs exploitations que des individus non encadrés. Cependant, les clubs n’organisent généralement pas de prospections sur de nouveaux sites, ce qui les condamne à toujours conduire leurs adhérents sur les mêmes terrains.
Découvrir de nouveaux sites ou redécouvrir des sites oubliés
S’il ne reste généralement pas grand chose à gratter autour des mines contemporaines, les exploitations plus anciennes et méconnues cachent encore des minéraux intéressants, notamment pour les micromonteurs. Jadis, en effet, la méconnaissance des minerais et des techniques actuelles de valorisation contraignait nos ancêtres à mettre en stérile des matériaux qui aujourd’hui seraient exploités. Ils pouvaient par exemple exploiter de la galène en rejetant les calamines (minerais de zinc contenant diverses proportions de smithsonite, d’hémimorphite et d’hydrozincite). L’exploitation de métaux sous forme de sulfures et d’oxydes rejetait souvent des carbonates et des minéraux dont on ignorait alors la nature chimique.
Parfois des travaux routiers, une pelle mécanique ou un paysan creusant une tranchée, le percement d’un tunnel ou un terrassement dévoilent un filon, un minéral inattendu voire même d’anciens déblais de mine. Faire l’effort de se tenir informé de tous les travaux en cours ou prévus permet d’être là au bon moment, chaque fois qu’un secteur potentiellement minéralisé fait l’objet de travaux. Toute intrusion sur un chantier comporte un risque. Il est donc nécessaire de consulter le chef de chantier pour obtenir une autorisation et connaître les dangers éventuels. On s’expose généralement à un refus, mais une cordiale négociation se conclue fréquemment par un arrangement si l’on est disposé à accepter les conditions de son interlocuteur. Il va de soi que tout désordre devant être réparé par les ouvriers ou tout dégât sur du matériel vous écarterait définitivement des futurs chantiers menés par la même équipe.
Prospection sur le terrain ; quelques conseils de base.
La première règle à respecter quand on prospecte de nouveaux sites est de laisser sa voiture. Ce n’est pas parce qu’on parcourt davantage de kilomètres qu’on augmente ses chances de repérer un site minéralisé. Prenez donc le temps de marcher le long des routes ou des chemins qui semblent ne mener nulle part. Quittez les sentiers battus, garder l’œil ouvert et faites preuve de patience. Tout au long de votre balade, si le relief est vallonné, vous longerez certainement des affleurements. De temps en temps, vous remarquerez que la roche change d’aspect, de granulométrie ou de couleur, qu’elle est parcourue de filons, qu’elle suinte ou bien qu’elle est recoupée par une fracture ouverte. C’est notamment sur ces variations et discontinuités qu’il faut se pencher. Des minéraux peuvent s’y concentrer ponctuellement. Les filons de quartz ou de calcite (blancs), de minéraux ferrifères (ocrés, rougeâtres ou noirâtres), de baryte (blancs ou ocrés), de fluorite (souvent verts ou violacés) renferment peut-être des cristaux intéressants. Les filons de quartz gris sont colorés par des sulfures disséminés qui, ponctuellement, peuvent développer d’attrayantes cristallisations pour le micromonteur. Ces quartz contiennent le plus souvent de la pyrite, de la chalcopyrite et de l’arsénopyrite. Parfois s’y expriment de la stibine, des sulfosels d’antimoine et de plomb, de la galène ou même de petits points d’or natif.
Le parcours de l’eau livre de nombreuses informations géologiques. Elle s’infiltre lorsque la roche est poreuse ou fracturée. Elle stagne sur les matériaux imperméables tels que les argiles et des schistes à stratification horizontale. Les sources indiquent la position de fractures ou de cavités karstiques.
Les alluvions (galets et minéraux lourds concentrés grâce aux techniques de l’orpailleur) offrent une vue d’ensemble des terrains géologiques parcourus par un cours d’eau. Il est ainsi possible, en un seul point, d’inventorier les roches et minéralisations de tout un bassin versant.
On repère les gîtes minéralisés sur les terrains stériles ou défrichés, sur affleurements ou dans les champs labourés grâce aux « chapeaux de fer ». Il s’agit de halos d’altération de couleur rougeâtre ou ocrée visibles à la surface du sol. Ces concentrations en oxydes et hydroxydes de fer surmontent les gîtes métallifères. S’ils indiquent l’emplacement de potentielles minéralisations plus profondes, ils constituent en eux-mêmes des matériaux intéressants à examiner. En effet, divers éléments se concentrent dans les chapeaux de fer : phosphore, vanadium, arsenic, molybdène, cuivre… Ces éléments s’expriment souvent sous forme de microminéraux très attractifs : pyromorphite, mimétite, wulfénite, autunite, malachite…
Si les minéraux d’altération du fer sont plutôt ocrés, rougeâtres et brunâtres, d’autres métaux produisent des minéraux dont la couleur peut être indicatrice ou caractéristique. Le cuivre se repère facilement grâce à des minéraux d’oxydation verts vif et bleus. Les minéraux superficiels de l’uranium sont plutôt verts à jaunes. La galène s’altère surtout en minéraux jaunes à rouges ou verdâtres. Le rose indique la présence de manganèse ou plus rarement de cobalt. La stibine (sulfure d’antimoine) s’altère en produits jaunes, blanchâtres ou rouges. etc.
Tout en recherchant les indices rocheux, le prospecteur observe avec attention la topographie. Cet examen permet notamment de détecter les failles, les filons ou d’anciens travaux miniers. Des anomalies dans le relief peuvent indiquer l’emplacement d’anciennes exploitations ou de grattages de prospection. Une rupture de pente anormale, une entaille dans un talus, la présence de monticules, un vallon sans eau, un terrain surélevé ou un sous-bois bosselé sont autant d’indices importants pour la localisation d’anciens sites d’extraction.
En montagne, penchez-vous sur les éboulis et inspectez le lit des torrents asséchés. Ils renseignent sur la nature des roches et des minéraux situés en amont. Les éboulis isolés et peu visités livrent parfois des spécimens minéralogiques d’excellente qualité. Les effondrements récents sont tout aussi intéressants à prospecter. Ne vous exposez toutefois pas au danger. Prenez le temps d’inspecter les parois et ne vous en approchez que si aucun bloc ne menace de tomber.
Toujours en montagne, si vous trouvez une cavité rocheuse dans laquelle s’est accumulée de l’argile, prélevez-en un bloc pour le laver. Vous y trouverez peut-être des cristaux de quartz, de gypse ou d’autres espèces. Il arrive aussi que des filons de calcite dissimulent des cristaux de roche. Les minéraux finement fibreux de type asbeste (synonyme d’amiante) peuvent également dissimuler des minéraux intéressants tels que des épidotes, albites, quartz, adulaires, anorthites, anatases, titanites, etc. Plongez l’échantillon dans l’eau avant de le frotter à l’aide d’un pinceau ou d’une brosse tendre. L’eau évite que les poussières volatiles et cancérigènes d’amiante ne pénètrent dans vos bronches.
N’hésitez pas à questionner les agriculteurs, les chasseurs ou les personnes âgées. Ils connaissent très bien leur pays et peuvent vous indiquer l’emplacement de grattages de prospection, de déblais miniers, d’entrées de mines, de filons ou de pierres volantes atypiques. Certains vous montreront peut-être des échantillons recueillis sur leur propriété en raison de leur singularité. Ils en ignorent la nature et l’intérêt, mais peut-être pas vous.